Fondation Francès

La plaie s’ouvre, souffre puis s’offre

En écho à l’exposition actuellement présentée à Clichy, celle de Senlis prolonge l’exploration d’un motif viscéral et incandescent : la plaie.

Métaphore plastique, politique, existentielle, elle s’ouvre ici comme un cri du corps, une faille vive qui résiste à la cicatrisation. Les œuvres rassemblées nous confrontent à cette blessure à vif — béante, insistante, tantôt hurlée, tantôt murmurée — qui oscille sans cesse entre l’éruption violente de la douleur et son repli silencieux.

La plaie devient passage, seuil trouble entre l’extérieur et l’intérieur, entre l’histoire collective et les déchirures intimes, entre la violence infligée et la force vitale qui en émerge.

Corps triturés, écorchés, disloqués, transfigurés : les figures traversent la douleur comme un état de métamorphose. Certaines œuvres exposent la chair dans toute sa crudité, jusqu’à l’extase, là où la souffrance devient incandescence. D’autres font du corps un lieu d’effacement, de repli, d’engloutissement – comme si la plaie rongeait de l’intérieur jusqu’à l’extinction.

Chez Miriam Cahn, Anne Wenzel, Marta Spagnoli, la blessure jaillit et contamine l’espace, déborde les contours, irradie les formes. À l’inverse, les œuvres de Lucian Freud, Jean Rustin, Terence Koh ou Michael Kvium enferment la douleur, la contiennent, l’étouffent dans un espace contraint, où le corps devient prison d’une âme tourmentée.

Cette exposition joue des contrastes, cultive la tension entre douceur et brutalité, repli et débordement, recueillement et vertige. Chaque œuvre nous attire, nous capte, puis nous déstabilise : elle interroge ce que nous voyons, ce que nous ressentons, ce que nous sommes prêts à laisser saigner en nous.